Un paysage de haute qualité
Une équipe de restaurateurs spécialisés a pris soin du retable, peint entre 1500 et 1520. Ils ont enlevé la saleté superficielle, la couche de vernis jauni et les retouches antérieures des panneaux. Le travail de retouche s'est effectué avec beaucoup de soin et d'attention. Les cadres ont été nettoyés et restaurés. Le résultat est un véritable plaisir pour les yeux ! L'œuvre retrouve sa clarté d'origine. Le résultat ne se limite pas à la richesse des couleurs, il fait réapparaître de nombreux détails estompés par le vernis. On peut donc y découvrir une multitude de nouvelles choses dans le paysage à l'arrière-plan. Ce paysage de nature et d'architecture se retrouve sur les trois panneaux et apparaît, une fois le vernis enlevé, d'une très grande qualité. La peinture du paysage est d'ailleurs semblable à celle d'autres œuvres importantes de Metsys, comme l'Autel de la Guilde des menuisiers (1511, Anvers, KMSKA) et le Triptyque de la confrérie de Sainte-Anne (1509, Bruxelles, MRBAB).
La main du peintre
La restauration du retable nous en apprend beaucoup sur la technique de peinture de Metsys. La finesse de ses coups de pinceau est désormais visible à l'œil nu. Ici et là, on découvre même une empreinte digitale dans la couche picturale. Nous constatons par ailleurs que Metsys utilisait une « technique de tamponnage » pour intensifier les couleurs et la texture des robes. Par un mouvement de tamponnage, il (ou un peintre de son atelier) appliquait un glacis coloré sur la couche de fond colorée. Cela donne un motif composé de minuscules points, une sorte de pointillisme avant la lettre.
Véronique devient Marie
Parmi les autres détails marquants, la bouche rouge vif de Marie d'Égypte, la sainte du panneau de droite, attire l'attention. Pourquoi sa bouche est-elle si rouge et si grande ? Pour y répondre, il suffit de se pencher sur les méthodes employées par Metsys et son atelier. La composition a d'abord été consignée sous forme de dessin, comme une sorte d'esquisse. Grâce à la réflectographie infrarouge (IRR), les spécialistes de l'IRPA ont fait apparaître ce dessin sous-jacent. Ils ont d'ailleurs fait une découverte surprenante ! Marie d'Égypte recouvrait une précédente représentation de Sainte Véronique. Cette sainte Véronique est pleinement élaborée sur le dessin sous-jacent, avec sa coiffe et son linceul distinctifs. Sa bouche était légèrement ouverte, mais pour Marie d'Égypte, Metsys a opté pour une version fermée. La bouche de Véronique a ensuite été peinte et remplie d'un épais coup de pinceau rouge.
Nouveau mariage ou changement de mode ?
Nous ignorons la raison pour laquelle Metsys a changé le saint patron de la donatrice. Il est possible que la première femme du donateur soit décédée avant la fin du triptyque et que le mari se soit remarié. Dans ce cas, il fallait faire apparaître un nouveau saint patron. Ou bien s'agissait-il d'une ancienne commande annulée de l'atelier et il a été décidé de réutiliser les panneaux déjà peints ? Il va de soi que Metsys avait dû adapter le saint patron de la donatrice. Par ailleurs, le fait que la longueur des cheveux du donateur, agenouillée sur le panneau de gauche, ait également été modifiée renforce la deuxième hypothèse. S'agissait-il de la photo d'un nouveau donateur masculin ? Ou s'agissait-il simplement d'un changement de mode ? La réalisation d'un retable prenait souvent plusieurs années et au XVIe siècle aussi la mode évoluait rapidement.
Couche de cire
En plus d'examiner le recto, les restaurateurs ont également examiné le verso de l'œuvre. Les revers de l’œuvre sont recouverts d'une épaisse couche de cire. Bien souvent, ces panneaux sont peints avec des représentations plus simples (ou moins importantes). Le retable était uniquement ouvert solennellement les dimanches et les jours fériés. Les spectateurs ne voyaient donc pour la plupart que les volets fermés. En est-il de même pour le retable de Metsys ? Malheureusement, non. Les « fenêtres d'observation » que les spécialistes ont délicatement insérées dans la couche de cire pour faire apparaître une peinture sous-jacente n'ont rien donné.
Les restaurateurs au travail
Retour à la maison
À l'automne 2023, le 'Christ sur la croix accompagné des donateurs' est retourné à Anvers. Initialement, il n'est pas retourné au Musée Mayer van den Bergh, mais au MAS. L'œuvre y a brillé dans l'exposition temporaire 'Rare et indispensable. Chefs-d' œuvre des collections flamandes' (31 octobre 2023 - 25 février 2024).
Depuis le début de mars 2024, l'œuvre est enfin rentrée chez elle et peut être admirée dans toute sa splendeur et sa magnificence colorée au musée.